jeudi 29 mai 2008

Shoah : devoir de mémoire ou diversion?

Désormais ne s’écoule pas un jour, ou presque, sans qu’on nous parle de la Shoah. Bien que la France ne soit pas l’auteur de ce carnage industrialisé, elle a certes un devoir de mémoire, pour en avoir été la complice. L’idée qu’il faille perpétuer le souvenir de cet évènement tragique de notre histoire n’est donc pas ici remise en question. En parler sans tabous, prendre du recul et admettre notre part de responsabilité dans l’exécution de ce crime odieux est une démarche saine.

Néanmoins, je crains que ce devoir de mémoire ne tourne au matraquage. Matraquage qui risque de produire l’effet inverse à celui recherché.

J’insiste ! Ne pas oublier est primordial. Moralement, sans débattre ici de son efficacité, ce devoir est indispensable. Mais à présent on ne compte plus les productions, que ce soit pour le cinéma ou la télévision, littéraires aussi, traitant ce douloureux sujet, tirant sous les projecteurs des médias les heures les plus sombres de notre histoire. Il est à craindre que cette avalanche de sentimentalisme finisse par écoeurer, plus que par sensibiliser. Raviver la flamme du souvenir, c’est bien. En faire une sorte de bûcher pour un soi-disant négationnisme latent, c’est dangereux.

Soi-disant négationnisme, car notre pays abrite son lot d’ignorants fanatiques ou de nostalgiques du complot judéo-maçonnique. Mais la France n’est pas antisémite. Que les Français de confession juive se le disent : ils n’auront pas une vie meilleure en Israël, protégés par des miradors et redoutant à chaque instant les attentats. Je dis cela car beaucoup parlent de rejoindre la Terre Promise, celle-ci leur apparaissant tel un refuge merveilleux. Je les exhorte à défendre leur identité juive dans leur appartenance à la communauté française. En quittant la patrie qui est la leur, ils feraient le jeu d’une poignée d’imbéciles, dont on trouve des champions aux deux extrémités de la Méditerranée.


Après ce préambule, visant à lever toute ambiguïté sur le sens de mon propos, j’invite le monde à se révolter face à ce qui se passe en Palestine. Le sort que l’on y réserve aux Arabes est, j’ose le dire, un crime contre l’humanité. Je ne nie pas ici la légitimité de l’existence de l’Etat hébreu. Parce qu’il y eut la Shoah, et maintes autres persécutions dirigées contre les Juifs, en tous temps et en tous lieux, la création de l’Etat d’Israël était devenue indispensable. Mais les arabes de Palestine n’y sont pas moins chez eux. Ils n’étaient pas les occupants provisoires d’une terre que les Juifs entendent maintenant récupérer. L’histoire a fait de la Palestine une terre arabe, après qu’elle fut juive.

Pourtant tout est mis en œuvre pour contraindre les Arabes palestiniens au départ. Ils ne sont certes pas massacrés ou déportés, mais l’Etat hébreu a confisqué leur économie. Leur société est littéralement asphyxiée.

Deux exemples très concrets illustre ce phénomène. Le premier, la suppression du secteur bancaire dans les territoires occupés par Israël en 1967 ; le second, le fait que dans la bande de Gaza un million d’Arabes palestiniens vivent sur 60% du territoire, le reste étant occupé par... six mille israéliens ! Les Arabes vivent dans une cage, une prison à ciel ouvert, privés d’eau. Les autorités israéliennes espèrent sans doute que quand les Arabes n’auront plus aucune chance de survivre, et qu’ils n’auront plus la force de se battre, ils finiront bien par s’en aller.

En attendant, ils n’ont que les pierres et la dynamite pour se faire entendre. Je me dis chaque jour que si j’étais Palestinien, je serais terroriste !

Comment ne pas céder, lorsqu’on est Arabe de Palestine, à la tentation de la violence ? Sachant de surcroît que tous les gouvernements israéliens, au moins depuis l’assassinat d’Ytshak Rabbin, ont agi dans le sens d’une politique ségrégationniste. Le mur de fer et de béton qui se dresse entre Juifs et Arabes, parquant ces derniers, n’a pas été décidé par Ariel Sharon, mais par le précédent gouvernement travailliste (celui de M. Barak). Il semble alors évident que l’on sacrifiera désormais le processus de paix à l’avènement d’« Eretz Israël ».

Le plus monstrueux, c’est de constater que l’Homme semble définitivement incapable de tirer le moindre enseignement de son Histoire. Nous abattions un mur en 1989, à Berlin, dans la joie et l’enthousiasme, pour en élever un autre en Palestine, moins de vingt ans après ! Voilà qui relativise, soi dit en passant, l’efficacité du devoir de mémoire dont il est question autour de la Shoah.

Finalement, je ne veux pas que ce devoir devienne un instrument de diversion destiné à nous conditionner pour nous faire admettre le sort que l’on réserve aux Arabes de Palestine à long terme.

Car le groupe de pression sioniste qui encouragea les Occidentaux à soutenir les efforts entrepris pour la création d’un Etat juif au début du vingtième siècle, notamment représenté à l’époque par Chaïm Weizmann, n’a pas disparu, que se soit dans les milieux de la finance, au Congrès américain ou ailleurs, et pourrait à présent promouvoir l’avènement du Grand Israël, vieux rêve entretenu plus que jamais.

Je serais profondément dégoûté de voir une démarche sincère se transformer en délire de persécution visant à nous manipuler. Certain me taxeront de paranoïa, mais cette appréhension est légitimée par le fait que plus la politique de l’Etat d’Israël se durcit vis-à-vis des Arabes, plus on nous pousse à l’auto flagellation et à la recension de notre passé.


jeudi 8 mai 2008

En attendant une main tendue

Il y a des périodes, dans la vie, où rien ne va. Sans toujours le comprendre dès les premiers signes, on s'enfonce doucement dans une sorte de vicieuse torpeur mélancolique, abjecte de traîtrise, jour après jour, semaine après semaine. Et lorsque l'on s'en rend compte, il est déjà trop tard.
On fait ce que l'on peut, on s'agite, on se débat, on lutte de toute son énergie contre cet invincible courant de marasme qui nous envahit irrésistiblement l'esprit. Plus on est fort, plus on dispose de bouées de sauvetage, d'aptitude à résister. Mais, sans personne pour nous tendre la main comme il l'aurait fallu, la force d'esprit rend les armes, pas à pas.
Des semaines, des mois, peu importe le temps que l'on peut tenir ; seul, on finit par sombrer.

Et on entre alors dans cet indescriptible état de détresse sentimentale qui a causé, cause, et causera tant de mal à tant de gens. Grave ou pas, cela dépend. Le caractère y survit et s'adapte. Avec de la force, on peut garder le sourire en public. On peut toujours feindre.
A quoi bon...
Quand tout ou presque suinte de médiocrité, de grossièreté et de gaucherie empesée. Quand plus rien ne semble ni gracieux ni passionné, et que toute lointaine joie s'estompe telle un insaisissable brouillard dès que l'on tend la main pour la caresser doucement du doigt.
Quand tout nous révulse et nous fait ironiquement sentir le goût amer d'une intense et douloureuse déception, excepté ce que l'on ne parvient plus à atteindre. Quand tout nous dégoûte et que plus rien n'est à la hauteur de nos attentes. Surtout soi.

Et, avec de vains et pitoyables efforts, on tente de sauvegarder quelques illusions, et de recommencer à les construire. En espérant de tous nos désirs percevoir un écho familier dans la cacophonie de nos sens meurtris et déçus. En attendant une main tendue.