samedi 8 décembre 2007

Et si l'humain n'était qu'un paisible herbivore?

J'ai souvent, dans ma courte vie, ressenti le besoin de m'interroger sur la pression sociale. Au début, ce n'était qu'embryonnaire, motivé par diverses raisons comme la frustration, l'exaspération, la perplexité, la stupeur aussi. Et puis, c'est devenu plus conscient et réfléchi.

Définissons le terme de pression sociale. Je parle içi de cette idée plus ou moins abstraite qui veut que tout élément ou individu faisant partie d'un groupe aura une tendance innée et très souvent difficilement répressible à se comporter exactement de la même façon que les autres membres du groupe. Ceci n'est qu'une tentative de définition générale, probablement incomplète, ainsi que ma réflexion d'ailleurs.

Mais comment préciser sa pensée, et son raisonnement? Ce n'est déjà pas évident. Contentons-nous d'exemples pour le moment, qui peuvent également avoir le mérite de prouver à n'importe quel sceptique que cette pression sociale est réelle. Les voici, entre ( beaucoup d' ) autres:


http://www.koreus.com/video/experience-ascenseur.html

http://www.dailymotion.com/relevance/search/icare/video/x1e7jj_extrait-i-comme-icare_school


Evidemment, la deuxième vidéo n'est qu'un extrait de film; quant à la première, impossible d'en vérifier les conditions de réalisation. Mais elles sont, je pense, suffisantes pour comprendre de quoi je parle. Beaucoup d'autres exemples connus sont irréfutables, voire proverbiaux: évoquons les Congrès du Parti Nazi d'avant la seconde guerre mondiale, les célèbres moutons de Panurge, ou les effets de comportement d'une foule. Plus simplement, observez une bande de jeunes lycéens tous habillés de façon presque similaire, adoptant les mêmes codes, la même vision des choses, bien souvent aussi les mêmes préjugés.


L'existence de la pression sociale démontrée et vérifiée, et cela fût fait des années avant que je ne commence à réellement m'interroger à ce sujet, j'ai fini par me demander sérieusement quelles pouvaient être les causes et les mécanismes de ce phénomène. Pourquoi la pression sociale est-elle si puissante qu'elle rend, à mon avis, la vie de la plupart des humains sur cette terre d'une banalité affligeante?


Point de départ de ma réflexion: le problème de l'originalité. Ce mot mériterait à lui seul de longs développements, mais prenons-le dans cette optique préçise. La pression sociale, c'est ce qui impose de se soumettre aux cadres, aux concepts, à la morale, aux idées, aux idéaux ( nommons cet ensemble: les valeurs ) du monde auquel on appartient.
S'y soumettre, c'est la banalité. Il faut bien appeler un chat, un chat; un jeune collegien ou lycéen habillé à tel centre commercial ( le même que tous les jeunes de sa région ), dans le même magasin Celio ( ou H&M, ou tout ce que vous voulez ) que les autres, avec le même pull que les autres, le même jean, les mêmes Converse, EST banal.

Que peut donc bien apporter la banalité qui puisse compenser le terrible prix à payer d'être invisible? Les réponses me viennent facilement. La preuve que l'on appartient à tel groupe, la revendication de cette appartenance, le constat de la rassurante approbation dudit groupe ( la validation sociale ), le confort que cela assure.
J'irais même plus loin: la compensation, c'est la facilité, c'est obéir sans discuter et suivre aveuglément son puissant instinct grégaire.


Par définition, l'originalité va à l'encontre de cela, en bouleversant les valeurs établies et en créant la nouveauté, ou du moins, en allant à contre-courant; ou dans le même sens, mais d'une façon différente, décalée, etc.

Là où le bât blesse, c'est que cela implique de se démarquer du monde de référence. Donc, de soutenir le regard des autres, tout étonnés de constater qu'un élément du groupe sort du rang. L'originalité suscite la différence, et par voie d'extension, souvent l'incompréhension voire la peur ( il suffit de voir à quel point il est difficile pour énormément de personnes d'appréhender des cultures différentes... ).

L'originalité signifie donc courir le risque de faire peur. Faire peur aux autres, qui s'inquiètent de voir s'éloigner le récalcitrant, le dénigrent sans hésiter, s'en moquent parfois avec cruauté ( une cour de récrée peut être le lieu le plus cruel du monde ) voire avec brutalité.

Se faire peur, aussi, se faire peur, surtout. Car les réactions du monde et de ses valeurs sont terrifiantes, ne serait-ce que lorsqu'on les imagine. Le ridicule ne tue pas directement, mais son pouvoir de destruction est terrible. La peur d'assumer sa différence, son originalité, ou tout ce qui contredit les valeurs du monde auquel on appartient ( croit appartenir ), voilà qui inhibe une grande majorité du potentiel humain.


C'est donc la peur de trahir ses valeurs, et d'en changer, qui est à l'origine de cette pression sociale. Quelle est l'utilité de la peur, scientifiquement parlant? C'est un ensemble de réactions chimiques et de processus corporels servant à faire face à un danger, et à pouvoir y réagir du mieux possible. Problème: bien souvent, il provoque la fuite.
La peur est un système de protection. Alors, la pression sociale existerait à cause d'un processus de protection de sa propre vie présent naturellement chez chaque être humain?

Et si respecter cette peur, l'écouter, et fuir ce qui cause la peur, permet d'obtenir de nouveau la sécurité; alors, fuir l'originalité, se réfugier dans la banalité, permet d'obtenir la sécurité.
La pression sociale n'est donc qu'un sentiment personnel, mais commun, d'insécurité en cas d'originalité.


Connaissez-vous le système défensif des zèbres? En troupeau, leurs rayures rendent flous les contours de leur corps aux yeux des prédateurs, ce qui leur assure de bonnes chances de survie une fois fondus dans la masse de leurs congénères.
En revanche, sortez un zèbre de son troupeau... et les lions se feront une joie de s'occuper de son cas. Plus aucune sécurité à l'écart de ses semblables.


A ce stade du raisonnement, je n'ai pu m'empêcher de mettre en parallèle les zèbres et les humains, c'était trop tentant.
En fait, il n'y a aucune différence. Ah si, tout de même: les humains n'ont plus de prédateur. Sortir du troupeau n'équivaut donc plus à l'insécurité. Mais bien plutôt à prendre du recul, à regarder le troupeau de l'extérieur, se rendre compte de son uniformité. Et de trouver la liberté de construire son propre monde, ses propres valeurs.

Et une vie qui vaut la peine d'être vécue.


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