Georges Hebert Walker Bush est issu d'une famille où la politique et l'engagement dans la vie publique sont des traditions. Elevé dans la religion protestante, il est aussi un pratiquant fervent. Pour lui, le monde est un théâtre où s’affrontent les forces du bien et du mal. En 1944, alors qu’il s’est engagé dans
Mais quel est le bilan du mandat Reagan ? Dans quel contexte George Bush accède t-il au pouvoir en 1989 ? Tout d’abord sur le plan économique, Bush hérite d’un important déficit budgétaire. La pauvreté et l’insécurité dans les villes constituent aussi une dure réalité. Mais sur le plan des relations internationales George Bush hérite d’une situation extérieure beaucoup plus favorable que celle de son prédécesseur. Lui qui dénonçait l’URSS comme « L’empire du mal », l’ère Reagan marque cependant le rapprochement des USA avec L’URSS. Depuis 1985, avec l’ascension progressive de Gorbatchev en URSS, le dialogue est renoué et débute une politique de désarmement des deux parties. C’est une nouvelle détente.
C’est dans ce contexte que, la main gauche posée sur la même Bible que celle utilisée par George Washington deux siècles auparavant, George Bush prête serment le 20 janvier 1989, à midi, au pied du Capitole. Dans son discours d’investiture dont notre texte présente un extrait, Bush se pose en défenseur de l’héritage Reagan et réaffirme un certain nombre de valeurs traditionnelles qui avaient fait leurs preuves : l’éthique du travail, la morale chrétienne, la croyance en Dieu, et la défense de la liberté. Ce sont les mêmes valeurs que Reagan avait réinvesti alors que les USA connaissaient le désarrois de l’après Viet Nam, et ce sont ces valeurs qui redonnèrent confiance aux Américains. Ainsi Bush rappelle dans son discours les fondements de l’idéologie américaine, composées de valeurs porteuses d’espoir et de confiance. Il s’agit de rendre aux USA leur responsabilité et leur autorité dans le monde. Mais il faut aussi résoudre les problèmes internes des USA, qui sont comme nous l’avons vu, la pauvreté , la criminalité urbaine, un déficit budgétaire inquiétant, une économie chancelante et c’est sur ces derniers points que Bush clôt son discours.
Quels sont les fondements de l’idéologie américaine ? En quoi cette idéologie a-t-elle une vocation mondiale ? Comment les valeurs doivent –elles aider a surmonter les problèmes internes du pays ?
L’étude de ce texte se fera en deux parties organisées de manière thématique : dans un premier temps, nous verrons, quelle est la place de la religion dans la vie politique : un Président investi d’un devoir divin qui défend des valeurs chrétiennes. Puis nous étudierons les problèmes internes des Etats-Unis et nous verrons en quoi les Etats-Unis ont une mission pour le monde.
« Mon premier geste de président sera une prière » (L1). Le discours d’investiture de George Bush débute par une prière, et termine (comme dans tous les discours de présidents américains), par la demande de bénédiction divine : « Merci. Que Dieu vous bénisse, vous et les Etats-Unis d’Amérique » (L36). On sait que George Bush à été élevé dans la religion protestante, qu’il est très croyant et fervent pratiquant. Mais de manière générale, contrairement à la société française fondamentalement laïque, les USA ont conservé une forte culture religieuse et le peuple américain reste encore aujourd’hui imprégné de la religion, en majorité protestante. En atteste cette phrase de William. O. Douglas qui déclara en 1951 : « Nous sommes un peuple religieux » et sans oublier la divise nationale « In God we trust » figurant même sur les billets de banque américains. La référence à Dieu est présente partout, depuis l’école où les élèves prêtent serment au drapeau et à la nation "sous Dieu", jusqu'aux serments du Président sur la Bible. Sa prière, Bush l’axe sur l’idée qu’en tant que président, son rôle est d’être au service du peuple : « il n’existe qu’un emploi juste du pouvoir, et c’est de servir le peuple » (L 3-4). Le pouvoir ne doit pas être utilisé pour servir des intérêts personnels, mais pour servir les intérêts de tous et représenter le peuple le mieux possible. On peut trouver là dedans l’idée d’un président investi d’un devoir divin qui doit orienter sa politique. Il ne s’agit pas d’un président représentant de Dieu sur terre comme pouvaient l’être les rois d’Europe à l’époque moderne, mais plutôt d’un président croyant dont la politique doit aller dans le sens de Dieu, c'est-à-dire qui doit respecter une morale et des valeurs chrétiennes. C’est l’idée qu’au fond, la nation ne trouve son accomplissement que dans la mesure où elle réalise une loi transcendante, divine. Mais quelle est cette loi ? Quelles sont ces valeurs religieuses prônées par Bush et qui orientent l’idéologie américaine ?
Cet aspect religieux de la société américaine remonte à l'origine même de la fondation des Etats-Unis, quand à la fin du XVIIIème siècle, les fondateurs de la nouvelle nation en arrivèrent tout naturellement à penser qu'ils fondaient là le "temple de la liberté et phare d'espoir pour toute l'humanité". Les Etats-Unis étaient, selon eux, la résultante des meilleures idées de la civilisation européenne. La liberté est donc le premier fondement de l’idéologie américaine. George Bush ne fait que le réaffirmer dans son discours : «Nous savons ce qui réussit : la liberté réussit. Nous savons ce qui est juste : la liberté est juste. Nous savons comment assurer à l’homme plus de justice et de prospérité : grâce au libre échange, à la liberté de pensée, aux élections libres, et au libre exercice de la volonté (…)» (L 5 à 10) La liberté est la condition suprême à la réalisation d’une justice divine qui permet à l’homme de s’accomplir et qui lui permet aussi, de s’enrichir (Bush parle de « prospérité »). Il faut savoir que dans la religion protestante le rapport à la richesse est différent : il y’a un devoir de richesse. La pauvreté « volontaire » est condamnée, car Dieu n’appelle pas à la pauvreté comme chemin pour le mener à lui, autrement c’est vouloir se justifier par soi même, alors que seul Dieu justifie. Etre prospère signifie avoir la bénédiction divine. Mais la richesse ne peut pas être une fin en soi, elle est le fruit du travail. C’est le travail et le sacrifice qui est louable, concevoir la richesse comme une jouissance c’est lui donner une mauvaise orientation, et cette idée, Bush l’énonce également dans son discours lorsqu’il dit « Nous laissons nous séduire par les biens matériels et sommes nous moins sensibles à ces nobles valeurs que sont le travail et le sacrifice ? » (L 12 à 14) Max Weber dans L’éthique protestante nous l’explique ainsi : « Toute heure de travail perdue est une heure de moins à la gloire de Dieu. » La richesse comme jouissance est un danger, mais la richesse comme résultante d’un travail acharné est mérité et signe la bénédiction de Dieu.
Bush énonce d’autres valeurs qui sont la loyauté, l’amour, et la citoyenneté : « Nous devons former le vœux de leur faire comprendre ce qu’est un ami loyal, un parent aimant, un citoyen qui œuvre à l’amélioration de son foyer, de sa ville. » (L 17 à 19) Ces valeurs sont à caractère moral. Il n’est pas bon de mentir, de cacher, de tromper, il faut être loyal et honnête. Il ne faut pas haïr, délaisser, ignorer l’autre, il faut aimer. Il faut être un bon citoyen, qui apporte sa participation pour rendre le pays meilleur, et cela passe, à l’échelle de chaque homme, par l’amélioration et un respect de son lieu de vie (foyer et ville). Toutes ces valeurs, de liberté, de loyauté et d’amour, Bush les applique à la Nation : « L’Amérique est aujourd’hui une nation fière et libre, honnête, aimable, un pays qui force notre amour. » (L 10-11) Et chaque citoyen doit être à l’image de son pays, car ce sont les hommes qui font la Nation.
Et tous les hommes ne sont pas à cette image. En effet, les Etats-Unis connaissent des problèmes de pauvreté, d’inégalité et d’exclusion : « Il y’a les sans- abris, perdus et errants. Il y’a les enfants qui n’ont rien, ni amour ni vie normale. Il y’a ceux qui ne parviennent pas à se libérer de toutes sortes d’asservissements, la drogue, l’assistance publique, le désespoir qui règne dans les quartiers déshérités. » (L 24 à 29) Depuis les années 80, la diminution massive du nombre d’emplois dans l’industrie au profit de la création d’emplois dans les services a contribué à la diminution des salaires, et en particulier des bas salaires. La productivité étant moins élevée dans les services que dans l’industrie, une baisse des salaires s’est ensuivie par ajustement de l’offre à la demande. Les licenciés non qualifiés de l’industrie ont donc été contraint par la force des choses d’accepter un emploi moins bien rémunéré dans le secteur des services.
Pour ceux qui ont atteint l’âge mûr, il est beaucoup plus difficile de se reconvertir et un bon nombre restent ballottés de petits jobs en petits jobs ou restent au chômage.
Pour les plus jeunes non qualifié le problème se pose aussi, car avec des bas salaires et faute de formation ils ont plus de mal à sortir de la précarité que les générations précédentes.
Ces deux extrêmes d’âge génèrent donc des travailleurs pauvres. Ce n’est donc pas tant le chômage qui pose problème : 1983 et 1989, 18 millions de nouveaux emplois ont été crées. Le problème vient surtout de la précarité, de la situation dans les ghettos et de la ségrégation raciale, ainsi que de la drogue.
Bush poursuit en supposant que de ce problème de pauvreté naît un autre problème : celui de la criminalité : « Il faut vaincre la criminalité, et surtout, la violence urbaine. » (L 28-29) Mais ces problèmes ne seront pas réglés par des aides financières et des minima sociaux : « La vieille solution, l’ancienne méthode était de penser que les fonds publics permettraient à eux seuls de régler ces problèmes. Nous avons appris qu’il n’en est rien. » (L 30-31) En effet, en 1987, des mesures avaient été prises dans ce sens, mais n’avaient cependant pas fait reculer suffisamment la pauvreté malgré les millions de dollars dépensés. Bush en conclut que la lutte contre la pauvreté engendre elle-même la pauvreté, car les programmes d’assistance (dans les sortes d’asservissements Bush nomme aussi l’assistance publique) n’encouragerait pas l’effort personnel que tout homme doit fournir conformément l’éthique protestante comme nous l’avons vu précédemment. C’est d’une certaine manière l’idée de prédestination. On ne peut rien faire pour les pauvres, ils sont les seuls à pouvoir, par la force de leur volonté, à se sortir d’une situation précaire. C’est cette idée de volonté forte comme moyen pour résolver les problèmes qu’énonce Bush : « Notre volonté est plus grande que notre portefeuille, mais c’est de volonté dont nous avons besoin ». (L 34-35) Quand il parle de « portefeuille vide », Bush signifie l’important déficit budgétaire dont il a hérité : « Nos ressources financières sont faibles. Il nous faut réduire le déficit national. » (L 32-33) Qualifiée « d’économie de Vaudou », Reagan avait diminué les impôts et simplifié les modalités de la ponction fiscale, tout cela aux dépens d’un déficit déjà inquiétant. En 1981, le déficit était de 79 milliards de dollars, et il était passé en 1986 à 221 milliards. Ainsi, le gouvernement Bush doit faire face à des problèmes internes au pays, mais il a aussi une mission pour le reste du monde.
Depuis tout temps, l’Amérique se veut dépositaire de valeurs universelles, acceptables par tous les peuples : « L’Amérique n’est pleinement elle-même que lorsqu’elle poursuit un grand dessein moral. Nous, peuple des Etats-Unis, avons aujourd’hui un tel objectif : donner au pays un visage plus humain, au monde une physionomie plus douce ». (L 20 à 23) George Washington affirme que « chaque pas qui nous fait avancer dans la voie de l'indépendance nationale semble porter la marque de l'intervention providentielle ». La certitude que l'Amérique a été élue par Dieu pour une destinée particulière dans le monde imprègne des textes qui sont encore fondamentaux pour les Américains, comme la Déclaration d'indépendance, le Bill of Rights, la Constitution fédérale. On retrouve cette idée dans tous les discours : à l'issue de la Première Guerre mondiale, le président Wilson affirme : « L'Amérique est la seule nation idéale dans le monde [...]. L'Amérique a eu l'infini privilège de respecter sa destinée et de sauver le monde [...]. Nous sommes venus pour racheter le monde en lui donnant liberté et justice. » Ce genre d'idées perdure après la Seconde Guerre mondiale, lors de la confrontation avec l'empire athée qu'est l'Union soviétique. Le président Johnson déclare en 1965, lors des débuts de l'engagement des États-Unis au Vietnam, « l'histoire et nos propres oeuvres nous ont donné la responsabilité principale de protéger la liberté sur la terre », et Ronald Reagan affirme en 1982, après que les Soviétiques ont pris le contrôle de l'Afghanistan, que l'Amérique, « cette terre bénie a été placée à part, d'une façon particulière, qu'il y a un plan divin qui place ce grand continent entre deux océans pour être découvert par des peuples venus des quatre coins du monde avec une passion particulière pour la foi et la liberté ».Ainsi, les Etats-Unis se posent en défenseurs du monde libre et ont la mission d’exporter la liberté partout, comprenant aussi que leur système ne peut marcher que dans un monde libre. Les Etats-Unis doivent intervenir dans le monde, combattre « les forces du mal » quelles qu'elles soient et où qu’elles soient, afin de libérer le monde et de le transformer en quelque chose de meilleur et de plus moral, fonction de l’idéologie américaine. Depuis les origines, les Etats-Unis, dans le cadre de leur "mission divine", se doivent donc de créer une forme de société fondée sur la liberté, qui soit source d'inspiration pour toute l'humanité.
Dans son discours d’investiture, Bush ne fait que rappeler les fondements de l’idéologie américaine qui trouvent leur source aux origines de la nation. Depuis le début de leur création, ce sont les mêmes idées et les mêmes valeurs que les Etats-Unis ont défendu sur leur territoire et par delà le monde. Ces valeurs traditionnelles, inspirées de la morale chrétienne, orientent tous les aspects de la vie politique aux Etats-Unis. Et l’idéologie américaine, la plus juste parce qu’inspirée par Dieu, doit s’exporter partout ailleurs dans le monde. Ils sont les leaders du monde libre. Cet aspect est important pour la suite des événements. Comme nous l’avons précisé en introduction, en 1989 Bush prend le pouvoir dans un contexte international relativement favorable. Très peu de temps après son élection, cette nouvelle détente sera rapidement suivie par l’éclatement de l’URSS. George Bush sera le premier président à passer de l’ancien système bipolaire de la guerre froide à un nouveau contexte mondial dans lequel les Etats-Unis seront l’unique grande puissance. Avec leur conviction d’être investis d’une mission pour le monde, et l’idée qu’il faut combattre le mal, les USA interviendront à plusieurs reprises. Alors, des questions se posent : les USA, gendarmes du monde ? Un nouvel ordre mondial ?
Introduction.
I. La dimension religieuse et les fondements de l’idéologie américaine.
1. Un président investi d’un devoir divin
2. Liberté et travail
3. Loyauté, amour et citoyeneté
II. Une mission locale et internationale
1. Des problèmes internes
2. La force de la volonté
3. Une mission pour le monde : exporter la liberté
Conclusion et ouverture.
Livres :
- Kaspi André, Les américains, les Etats-Unis de 45 à nos jours, Seuil, 1986
- Heffer Jean, Les Etats-Unis de Truman à Bush, Armand Colin, 1992
- Nouailhat Yves – Henri, Histoire des doctrines politiques aux USA
- Vaïsse Maurice, Les relations internationales de 45 à nos jours,
Armand Colin, 2005
- Weber Max, L’éthique protestante et l’esprit du capitalisme, Plon, 1964
- Richet Isabelle, La religion aux États-Unis, Paris, Que Sais-Je ? 2001
Sites Web :
- Wikipedia, Religion aux Etats-Unis (http://fr.wikipedia.org/wiki/Religion_aux_%C3%89tats-Unis)
- Wikipedia, George Herbert Walker Bush http://fr.wikipedia.org/wiki/George_Herbert_Walker_Bush
- Cairn, Religion et politique aux Etats-Unis http://www.cairn.info/article.php?ID_ARTICLE=HER_106_0151
- Thucidide, Les fondements de la politique étrangère américaine :
- Les héritages fondamentaux : la Destinée Manifeste et la mission des Etats-Unis
- Les héritages fondamentaux : réalisme et idéalisme en matière de politique étrangère
- Pratiques et évolution de la politique étrangère (années 1920 à 1948)
- Pratiques et évolution de la politique étrangère : la Guerre Froide (1947-1991)
- Pratiques et évolution de la politique étrangère : 1991-2004, un Nouvel Ordre Mondial ?
- La politique étrangère de George W. Bush : rupture ou continuité dans l’histoire américaine ?
http://www.thucydide.com/realisations/comprendre/usa/usa5.htm
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